«J'ai fait un baccalauréat dans une autre université à temps plein, en travaillant à temps complet au salaire minimum. Ma moyenne n'était pas très élevée et je suis entrée de justesse à la maitrise.
Mais à l'Université de Montréal, j'ai profité du financement intégré, ce qui m'a permis de mener mon projet de recherche à l'intérieur des délais prévus et d'obtenir une moyenne dépassant les 4,0», raconte Dominique Baril-Tremblay qui, cet automne, entreprendra un doctorat en sciences économiques à la prestigieuse Sciences Po Paris.
Voilà le témoignage qu'a apporté la coordonnatrice sortante aux affaires académiques des cycles supérieurs de la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal à la table ronde du cinquième colloque annuel de la Faculté des études supérieures et postdoctorales (FESP) le 8 mai dernier. Le thème : le financement intégré, un mécanisme qui consiste à assurer un revenu minimal aux étudiants à la maitrise et au doctorat pendant la durée normale de leur programme d'études. On y arrive en combinant les bourses internes et externes, les auxiliariats d'enseignement et de recherche ou encore les charges de cours.
Le financement intégré joue un rôle de premier plan dans la réussite scolaire, car il offre l'occasion aux étudiants de se consacrer pleinement à leurs études. Mais en cette période de restrictions budgétaires, il convient «de faire le point collectivement sur nos pratiques en cette matière afin de faire mieux encore avec ce qui est à notre disposition», a déclaré d'entrée de jeu le doyen de la FESP et vice-recteur adjoint aux études supérieures, Roch Chouinard.
Pour l'année à venir, l'Université maintient le cap et ne touche pas au budget alloué au soutien financier aux étudiants des cycles supérieurs. Louise Béliveau, vice-rectrice aux affaires étudiantes et au développement durable, rappelle par ailleurs que ce sujet constitue l'un des principaux objectifs de la campagne de financement Campus Montréal. «On souhaite créer un fonds de bourses d'excellence et de recrutement d'une valeur de 140 M$, tous cycles confondus. À la maitrise et au doctorat, c'est certainement l'une des voies à considérer pour mieux appuyer le financement intégré. Mais pour recueillir ce montant, les acteurs de la communauté universitaire devront mettre leurs forces en commun.»
Entre utopie et réalisme
Gary Slater, vice-recteur associé à l'international de l'Université d'Ottawa, a acquis une expertise peu commune dans le soutien financier aux étudiants. Il s'est notamment battu pendant des années pour faire évoluer ce dossier dans son établissement (voir l'encadré).
«Au cours de ma cabale, je faisais valoir toujours les mêmes arguments à mes collègues. D'abord, si un étudiant est assez bon pour aller au doctorat, il est assez bon pour être payé. D'autant qu'à ce stade, ce ne sont plus seulement des étudiants, ce sont des collègues de recherche et on doit les rémunérer conséquemment. Et c'est encore plus vrai quand les professeurs deviennent coauteurs des articles issus des travaux de recherche des étudiants. Autre argument: pour avoir du succès et finir dans les temps, les étudiants doivent se consacrer exclusivement à leurs études. Enfin, n'oublions jamais qu'un doctorant est un doctorant. Sa discipline ne doit pas influer sur les revenus qu'on peut lui procurer. Mais avons-nous les moyens financiers qui vont de pair avec ces principes? C'est une bonne question.»
En se fondant sur différentes données, M. Slater en est arrivé à la conclusion que les universités devront faire preuve de réalisme et d'audace pour mieux appuyer leurs étudiants. «Toute politique de financement intégré doit être accompagnée d'une redéfinition de la maitrise et du doctorat. On ne peut continuer à soutenir financièrement des diplômes qui n'ont pas évolué depuis longtemps et dont le taux d'échec est élevé.»
Il propose entre autres d'accélérer le passage au doctorat et de songer à raccourcir certaines maitrises. «Le doctorat n'a pas à durer cinq ans parce que c'est la norme. À titre d'exemples, chez nous, un étudiant a fini son doctorat en deux ans et une étudiante a fait sa maitrise en huit mois. Ont-ils atteint les objectifs? Oui. La durée prévue de ces programmes n'est pas une peine de prison!»
Au-delà du financement
Mettre en place une politique de financement intégré exige du temps et de bonnes aptitudes pour la communication, a signalé François Bowen. Le vice-doyen aux études supérieures et à la recherche de la Faculté des sciences de l'éducation de l'UdeM a contribué à l'instauration d'une telle mesure dans son unité. «Trop souvent, on pense à communiquer une fois le produit ficelé. Pourtant, le processus d'information doit être ancré bien avant cela. C'est un processus d'innovation et, si l'on veut que les gens y adhèrent, on doit les convaincre et les rassurer», juge-t-il.
M. Bowen participait à la table ronde avec Mme Baril-Tremblay, Marie Marquis, professeure au Département de nutrition, Jean Dansereau, directeur des études supérieures à Polytechnique Montréal, et Daniel Lamontagne, vice-doyen aux études supérieures et à la recherche de la Faculté de pharmacie.
M. Lamontagne travaille actuellement à l'implantation d'une politique de financement intégré dans sa faculté. Selon lui, ce mécanisme est essentiel, mais il ne règle pas tout. «La meilleure façon de garantir un fort taux de diplomation et une durée des études raisonnable est d'avoir dès le départ un bon plan d'études avec des objectifs à atteindre, ainsi qu'un comité de suivi qui accompagne l'étudiant et valide sa progression en fonction de ces mêmes objectifs.»
Marie Lambert-Chan
Pendant ce temps, à l'Université d'Ottawa...
Au cours de son décanat à la Faculté des études supérieures et postdoctorales (FESP) de l'Université d'Ottawa, Gary Slater a mis en place un programme de revenu minimal garanti pour les étudiants à la maitrise et au doctorat, en plus de concevoir une structure de financement étudiant adaptée aux différentes disciplines de son établissement. «La FESP de l'Université d'Ottawa donne l'argent directement aux étudiants, pas aux unités, explique-t-il. Ma philosophie est la suivante: c'est l'étudiant qui a travaillé très fort pour avoir de bonnes notes et c'est donc à lui que revient l'argent.»
Un étudiant qui obtient une moyenne de 80 % et plus bénéficie automatiquement d'un montage financier réparti à parts égales entre la FESP et les départements et facultés.
«Les professeurs peuvent financer leurs étudiants de deux façons, signale M. Slater. Il y a l'assistanat de recherche, qui est un poste syndiqué, limité à 10 heures par semaine, à un salaire imposable et dont le projet ne doit pas être lié à la recherche de l'étudiant. Dans le cas où ce projet découle de la thèse, l'étudiant recevra une bourse de la part du professeur qui ne sera pas imposable, comme dans le cas des sommes provenant des conseils subventionnaires.»
M.L.-C.
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