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L'UdeM se rapproche des autochtones

On dénombre quelque 5000 peuples autochtones sur tous les continents, soit 350 millions de personnes. À lui seul, le Québec compte 11 nations autochtones et celles-ci représentent 1,5 % de sa population. Pourtant, à la différence de la plupart des universités canadiennes, l'Université de Montréal n'offrait pas de programme d'études portant spécifiquement sur ce thème.

 

C'est cette lacune que Marie-Pierre Bousquet, du Département d'anthropologie de l'UdeM, a voulu combler en créant une mineure et un module en études autochtones. «Nous souhaitons y accueillir de futurs professionnels qui seront amenés à travailler avec des autochtones, ici ou ailleurs dans le monde, mais aussi des étudiants autochtones pour qu'ils aient accès à un enseignement proche de leurs réalités, sans oublier toutes les personnes qui sont simplement intéressées par la question», signale la responsable du nouveau programme, qui sera lancé en septembre prochain.

La mineure comprend des cours comme Les autochtones et l'État canadien, que donne justement Mme Bousquet; Introduction aux langues autochtones et Travail social auprès des autochtones, mais aussi Art contemporain autochtone, Pharmacologie des plantes médicinales, Rapports de genre et sexualités... «C'est un programme pluridisciplinaire afin de couvrir les angles de vue et les champs d'intérêt les plus divers, mentionne l'anthropologue, qui a travaillé pendant plusieurs années à la mise en place de ce projet et qui est ravie de le voir enfin prendre son envol. On n'y aborde pas que la réalité québécoise, puisqu'on traite de l'Ouest américain et de l'Amérique latine, notamment.»

Quand Marie-Pierre Bousquet a voulu savoir quels étaient les professeurs spécialistes des questions autochtones dans les différentes facultés de l'Université de Montréal qui pourraient collaborer au programme d'études, elle a eu une surprise. « Il y a beaucoup plus de chercheurs qu'on pense qui se consacrent aux études autochtones, dit la professeure. On en trouve en droit, en médecine, en pharmacie, en arts, en lettres, en criminologie, en géographie, en psychoéducation; bref, des dizaines de chercheurs mènent des travaux sur les autochtones ou travaillent en collaboration avec eux.»

Certains cours ont été conçus de toutes pièces pour l'occasion, comme La justice pénale et les autochtones et Intervention psychoéducative en contexte autochtone. Les professeures responsables (Mylène Jaccoud et Sarah Fraser) se sont montrées très réceptives à l'idée de présenter leur expertise devant une salle de classe.

Les autochtones à l'UdeM

Impossible, actuellement, de déterminer avec précision le nombre d'étudiants autochtones qui fréquentent l'Université de Montréal, car cette information n'est pas demandée dans les documents d'inscription. «Nous naviguons en plein brouillard sur ce point», note Mme Bousquet, Parisienne d'origine venue au Québec à la faveur d'un séjour d'études au début des années 90.

Le simple fait de devoir définir qui est autochtone est problématique. Au Canada sont reconnus comme autochtones dans la Constitution les Amérindiens, les Inuits et les Métis. Mais la définition même d'un Métis ne fait pas consensus. Est-ce une personne née d'un parent autochtone de première génération? Et un Amérindien est-il moins amérindien s'il vit en dehors d'une réserve?

Chose certaine, plusieurs autochtones font partie de la communauté universitaire et un groupe d'étudiants a créé, l'an dernier, le cercle Ok8APi (prononcer «okwabé») pour les rassembler. Une «salle des Premières Nations» manque actuellement, à l'image de ces lieux d'échanges où l'on peut organiser conférences et spectacles qui existent depuis une vingtaine d'années dans d'autres universités québécoises. «Pourquoi pas ici?» demande Marie-Pierre Bousquet.

 

Pikogan après Paris

Captivée depuis l'enfance par les mythes et les légendes, Marie-Pierre Bousquet a choisi sa profession en lisant Soleil hopi, qui raconte la vie de Don C. Talayesva, Amérindien du Sud-Ouest américain. «J'ai su à ce moment que je voulais faire le métier de l'homme qui avait contribué à établir cette biographie.» Elle a entrepris des études universitaires en ethnologie à Paris Ouest Nanterre La Défense, ce qui l'a conduite dans la communauté algonquine de Pikogan, en Abitibi, où elle a séjourné une année complète en 1996. «J'ai débarqué là avec mon sac à dos et mon magnétophone sans savoir ce qui m'attendait. C'était une expérience d'anthropologie classique qui m'a complètement transformée, relate-t-elle. Jamais je ne me suis sentie en danger; pourtant, la violence faisait partie de la réalité quotidienne de plusieurs familles. Je crois que celle-ci est rarement dirigée contre les gens de l'extérieur.»

Le jour même de son arrivée, un ancien missionnaire blanc avait été condamné pour pédophilie, et la communauté bourdonnait de discussions... Plusieurs témoins et même des victimes lui ont livré leurs témoignages, à mesure que se construisait le lien de confiance. «C'était une plongée au cœur de la réalité», se souvient l'ethnologue.

Aujourd'hui, elle demeure en contact avec les gens qu'elle a connus en Abitibi, dont plusieurs sont des amis intimes. Elle a effectué des recherches sur le rapport des Amérindiens avec le territoire, les relations intergénérationnelles, le paysage religieux, le colonialisme bureaucratique chez les Algonquins, la désintoxication, les princesses et les miss amérindiennes. Un livre qu'elle fera paraître l'an prochain traite de l'histoire et de l'influence des pensionnats autochtones au Québec.

Elle ne porte pas un regard noir sur la réalité autochtone, même si plusieurs indicateurs sont plutôt sombres. Par exemple, si le décrochage scolaire continue d'être un obstacle au développement des Premières Nations, Mme Bousquet a vu des personnes surmonter les embûches et suivre un parcours remarquable. Deux Algonquins de Pikogan poursuivent même des études aux cycles supérieurs sous sa supervision : Claude Kistabish et Maurice Kistabish (ce dernier en cotutelle UdeM-UQAT).

Mathieu-Robert Sauvé

 


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